Enrique Pezo Gomez

« Dig the river » 

EFTI (Espagne) Master


Biographie


Instagram: @enriquepezo

Enrique Pezo Gómez (Iquitos, Pérou, 1994) est un artiste plasticien  et chercheur qui développe sa pratique entre Madrid, Marseille et Iquitos. Par la re-signification des codes visuels, il interroge de manière critique les récits officiels sur l’Amérique latine et l’Amazonie, articulant de nouvelles possibilités de représentation à travers la photographie, la théorie spéculative et la performativité de l’image. Diplômé du Centro de la Imagen (Lima), il a suivi des études de troisième cycle en photographie contemporaine (EFTI, Madrid) et en critique cinématographique (ECAM, Madrid). Son travail a été exposé au Pérou, au Chili, au Mexique, en Colombie, en Espagne, en Italie, en France et au Royaume-Uni.

Le projet


« Dig the river », c’est ouvrir une blessure. C’est intervenir dans son cours, l’interrompre pour exposer la mémoire enfouie dans ses eaux. En Amazonie, ce geste n’a rien d’une métaphore poétique : il est bien réel, systématique. Les dragues percent violemment son lit, creusant à la recherche d’or, de caoutchouc ou de pétrole. Ce qu’elles laissent derrière elles, ce n’est pas seulement de la boue remuée ou une eau trouble, mais aussi le silence, le déplacement de communautés et la rupture de l’équilibre ancestral entre les corps humains, non humains et spirituels.

L’acte de creuser devient alors une forme de violence cumulative. Il ne retire pas seulement la terre, mais aussi les strates symboliques qui façonnent le fleuve en tant que sujet vivant. Face au récit du « progrès », qui le réduit à une simple ressource, l’urgence est de déterrer les histoires enfouies sous les sédiments de l’extractivisme. Des récits de résistance, de présences invisibles, de spiritualité étouffée par la machinerie. Écouter la rivière implique d’en suivre les fissures, de lire son lit comme on lit une cicatrice.

Photographie du projet « Dig the river » d'Enrique Pezo Gomez

Photographie du projet « Dig the river » d'Enrique Pezo Gomez

Dans cette perspective, le corps d’eau se révèle comme une archive blessée. Il ne s’écoule plus librement, il a été forcé, perforé, instrumentalisé. Sa surface reflète une image déformée, un masque du développement imposé par ceux qui le pillent. Mais dans sa turbulence, il conserve aussi la puissance de la mémoire comme forme de résistance. Le creuser devient, paradoxalement, une manière d’écouter : une tentative de redonner une voix à ce qui a été réduit au silence, de reconfigurer notre relation au territoire et à ses souvenirs par le soin.