Secteur Voices

A propos du secteur


Après son lancement en 2024, le secteur Voices s’installe désormais au cœur de la nef. Placé sous le commissariat de Devika Singh et Nadine Wietlisbach, il inscrit une réflexion curatoriale au centre de la foire autour d’une proposition sur le paysage et d’un projet sur les liens de parenté et leurs représentations.

Commissaires 2025 : Devika Singh, maître de conférences à l’Institut Courtauld et Nadine Wietlisbach, directrice du Fotomuseum Winterthur

Ioana Cîrlig, Bulgarian Black Sea, Dune Flora, 2023 – Courtesy of the artist & Anca Poterasu Gallery

Paysages par Devika Singh


Cette section explore le paysage sous des angles multiples :  approche documentaire, récit personnel ou regard spéculatif, avec des artistes encore jamais présentés à Paris Photo. La sélection est délibérément décentrée, avec des oeuvres réalisées dans des pays allant de l’Inde à l’Égypte, en passant par l’Iran, le Liban, la Roumanie et la Pologne. Les artistes, chacun à leur manière, redéfinissent le notion de paysage et travaillent contre l’oubli. Devant parfois contourner les interdits, leurs images conservent une certaine opacité. En attirant notre attention sur les histoires portées par les paysages ou les objets et les matériaux qui s’y infiltrent, ils en révèlent les enjeux mémoriels, sociaux et politiques sous-jacents.

Liste des exposants


Ab-Anbar, Londres* | Mohammad Ghazali, Hessam Samavatian
Anca Poterașu, Bucarest | Ioana Cîrlig
Monopol, Varsovie |  Maria Michałowska
Taymour Grahne Projects, Dubai* | Daniele Genadry
TINTERA, Le Caire* | Bernard Guillot
Vadehra Art Gallery, New Delhi* | Gauri Gill

*Première participation à Paris Photo et retours

Devika Singh  Commissaire d’exposition, critique d’art et historienne de l’art contemporain


Devika Singh est commissaire d’exposition, critique d’art et historienne de l’art contemporain. Actuellement, maître de conférences à l’Institut Courtauld de Londres, elle fut précédemment conservatrice d’art international à la Tate Modern. Elle a été commissaire d’expositions et a dirigé des accrochages de collection au CSMVS (Mumbai), Dhaka Art Summit, Dubai Design District, Kettle’s Yard (Cambridge) et à la Tate Modern. Elle est l’autrice de International Departures: Art in India after Independence (Reaktion Books, 2023), co-éditrice du Oxford Art Journal et a publié de nombreux articles dans des ouvrages collectifs, des catalogues d’exposition et des périodiques.

 

Pour le secteur Voices, vous avez choisi de mettre en avant le paysage, un thème central de l’histoire de l’art, abordé ici dans ses dimensions sociales, politiques ou mémoriels.
Qu’est-ce qui vous a poussée à travailler sur ce sujet ?


Le paysage est un sujet intrinsèquement lié à l’histoire et au développement de la photographie, et ce depuis sa création. En même temps, comme vous le soulignez, il demeure une préoccupation centrale des artistes contemporains qui s’intérrogent sur l’habitat, l’environnement et les histoires dites ou non-dites qu’ils révèlent. Les registres ont entre temps changé : de paysages liés à la conquête du territoire, tant aux Etats-Unis que dans les territoires colonisés par les empires européens, nous sommes passés à des approches plus personnelles qui portent en elles les trajectoires individuelles des artistes. Dans Voices, les artistes invités rendent compte de leur environnements et des transformations liés tant aux guerres et aux déplacements qu’à la réglementation de l’agriculture et ses répercussions sociales.

Pour Voices, j’ai délibérément choisi de mettre en avant des artistes qui travaillent dans des pays peu associés à cette histoire conventionnelle de la photographie en faisant un focus sur l’Asie et un autre sur l’Europe de l’est. Les artistes exposés travaillent tous entre Varsovie et Delhi en passant par Bucarest, Le Caire et Téhéran. Voices invite ainsi à décentrer le regard et à se saisir des enjeux mémoriels, sociaux et politiques qui relient ces différents espaces -- tout en plongeant le visiteur dans l’univers distinct de chaque artiste. 

En quoi soulève-t-il pour vous des questionnements contemporains ?


Les paysages portent en eux les traces du passé. Le temps y paraît souvent en suspens. En se penchant sur eux, nombre d’artistes et de photographes présentés dans Voices oeuvrent contre l’oubli. C’est un enjeu profondément contemporain dans des sociétés où les archives et leur conservation ont une portée politique. Deuxièmement, contrairement aux idées reçus à l’aire des réseaux sociaux, prendre une photographie, la publier ou l’exposer ne sont pas des actes anodins. Travailler sur le paysage et ses transformations, que ce soit à travers les traces qu’ils portent en eux ou des objets et matériaux qui s’y introduisent, permet soit de préserver une zone d’ombre soit de contourner les interdits dans des sociétés où la liberté d’expression est de plus en plus limitée. 

Commissaire, historienne de l’art et critique, vous avez travaillé avec de grandes institutions comme la Tate Modern et enseignez au Courtauld Institute. Quelle est votre expérience du commissariat dans le cadre spécifique d’une foire comme Paris Photo ?


C’est la première fois que je suis chargée d’un commissariat dans le cadre d’une foire. L’exercise a évidemment des dimensions spécifiques dûs par exemple à l’espace du Grand Palais et à l’architecture éphémère d’une foire. Mais le travail avec les artistes, leurs représentants et les galeries est le même et demeure tout aussi passionnant.

Mohammad Ghazali, Lost #040, 2001-2021 – Courtesy of the artist & Ab-Anbar Gallery

Shirana Shahbazi, Falling_04, 2023 - Courtesy of the artist & Peter Kilchmann

Là où nous nous rencontrons, Parenté ambiguë 
par Nadine Wietlisbach  


Des moments de vulnérabilité et de force, des fragments de relations intimes entre êtres humains et leur ambivalence photographique relient les œuvres rassemblées ici. Développées de manière conceptuelle et expérimentale sur plusieurs années, elles partagent un même intérêt pour l’exploration de la nature complexe des liens de parenté.

Des artistes de différentes générations, chacun avec un langage visuel singulier, réfléchissent à leur rôle d’auteur d’images ; non seulement en relation avec les personnes représentées, mais aussi dans la construction d’un cadre spécifique à travers lequel les spectateurs entrent en contact avec leur travail. La photographie est envisagée comme une pratique sociale, inscrite dans des conditions matérielles et des structures idéologiques.

La présentation tisse librement des récits autour de la parenté, en suivant les tensions entre distance et proximité, pouvoir et soin et la manière dont ces dynamiques peuvent être traduites par l’image photographique.

 

Liste des exposants


écho 119, Paris  | Rinko Kawauchi
Eva Presenhuber, Zurich*  | Torbjørn Rødland
Hatch* & Klemm’s, Paris & Berlin | Felipe Romero Beltrán
Higher Pictures, New York | Justine Kurland , Aspen Mays & Keisha Scarville
Peter Kilchmann, Zurich* | Paul Mpagi Sepuya, Shirana Shahbazi

*Première participation à Paris Photo et retours

 Nadine Wietlisbach  Directrice du Fotomuseum Winterthur 


Nadine Wietlisbach est directrice du Fotomuseum Winterthur depuis 2018, où elle et son équipe développent un programme axé sur les questions sociétales, les phénomènes photographiques influencés par les médias numériques interconnectés et l’engagement avec la culture de l’image contemporaine. Nadine Wietlisbach a organisé de nombreuses expositions internationales, notamment des expositions personnelles de Rachel de Joode (2017), Adrian Sauer (2018), Anne Collier (2019), Sophie Calle (2019) et Poulomi Basu (2025), ainsi que des expositions thématiques telles queDisruptive Perspectives (2017), Because the Night (2019) et Chosen Family – Less Alone Together (2022). Elle est également éditrice et auteure de nombreux ouvrages et textes et participe à des jurys internationaux. Son parcours de commissaire a commencé au sein de l’espace d’art indépendant sic! Raum für Kunst à Lucerne, en Suisse, et s’est poursuivi avec de séjours en Afrique du Sud, aux États-Unis et en tant que directrice du Photoforum Pasquart à Bienne, en Suisse.

3 questions à la commissaire


À travers le travail de huit artistes, vous explorez les liens et formes de parenté entre le photographe et le sujet.
Pourquoi ces œuvres sont-elles pertinentes aujourd’hui, et que révèlent-elles sur les pratiques photographiques actuelles ?


Quand je réfléchis à la manière de naviguer dans l’état actuel de notre monde, il n’y a pas de remèdes ou de solutions rapides, mais je pense beaucoup à l’empathie et à l’espoir. L’empathie et l’espoir doivent être cultivés, ce sont des actes radicaux. Il est très facile d’identifier ce qui nous divise, mais chercher activement des connexions est un acte de résistance. Les œuvres que j’ai sélectionnées montrent toutes que les liens ne se créent pas seulement avant, mais aussi derrière l’objectif – ou qu’ils sont transformés par les machines. Les portraits de parenté sont aussi anciens que le médium lui-même – il revient à nous tous (photographes et spectateurs) de gérer notre position de regardeurs avec soin.

En tant que directrice du Fotomuseum Winterthur, vos expositions réfléchissent à la photographie sous un angle contemporain. Comment vos recherches et votre approche curatoriale ont-elles façonné votre sélection à Paris Photo ?


Au Fotomuseum Winterthur, nous comprenons la photographie comme un médium complexe. Elle est à la fois exclusive et démocratique, avec une longue histoire de déséquilibre – un œil aveugle – concernant la répartition inégale du pouvoir. Nous nous intéressons aux pratiques artistiques qui abordent ces ambivalences de manière réfléchie et créative. La sélection montre à quel point les liens et la parenté peuvent être représentés de manière tendre, radicale et pleine de réflexion. En tant que curatrice, j’ai un intérêt de longue date pour la manière dont le social et le politique s’entrelacent – je crois que le champ culturel peut jouer le rôle d’une loupe, les yeux et les oreilles grands ouverts sur la complexité des différents contextes.

Quelle est votre relation personnelle avec Paris Photo,
et quel impact (positif) votre expérience en tant que curatrice invitée a-t-elle eu ?


Être invitée en tant que curatrice invitée est un honneur, je me sens chanceuse de travailler à la fois avec des artistes et des galeries. Personnellement, c’est un cercle qui se boucle : je visite Paris Photo depuis de nombreuses années, d’abord comme curatrice/touche-à-tout gérant un espace d’art indépendant, puis comme directrice du Photoforum Pasquart à Biel/Bienne, et maintenant comme directrice du Fotomuseum Winterthur. J’ai continuellement fait de nouvelles découvertes et beaucoup bénéficié des échanges avec des collègues du milieu.

Torbjørn Rødland, Home Song, 2020-25 – Courtesy of artist & Galerie Eva Presenhuber

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