Pour sa 3ème édition, le secteur Digital confirme son importance au cœur de la foire. Consacré à la photographie et à l’image dans l’ère digitale, il réunit en 2025, 13 galeries d’art contemporain, plateformes curatoriales et projets spéciaux, présentant des artistes qui intègrent les réalités numériques dans leur pratique. Conçu par la commissaire Nina Roehrs et pensé comme un pont entre l’histoire de la photographie et l’avenir de l’image, ce secteur illustre la manière dont les pratiques digitales élargissent le médium au-delà de ses cadres traditionnels et façonnent l’écologie des images dans l’ère digitale, affirmant la place centrale de ces nouvelles approches au sein de la photographie.
Secteur Digital
Liste des exposants et des artistes
Kevin Abosch, Freedom, 2025 – Courtesy of the artist & TAEX
Anita Beckers, Francfort-sur-le-Main | Daniel Canogar, Johanna Reich
ArtVerse*, Paris | Emi Kusano, Genesis Kai, Niceaunties, Grant Yun, Shavonne Wong, Reuben Wu
AUTOMATA*, Paris | Solienne
DANAE*, Paris | Louis-Paul Caron
Düsseldorf and Photography*, Düsseldorf | Special project
Heft, New York | Edward Burtynsky & Alkan Avcıoğlu, Nancy Burson, Kevin Esherick, Ganbrood, Michael Mandiberg, Katie Morris, Thomas Noya, Luke Shannon, Sarp Kerem Yavuz
L’Avant Galerie Vossen, Paris | Robbie Barrat & Ronan Barrot, Norman Harman
Nagel Draxler, Berlin, Cologne, Meseberg | Anna Ridler, Martha Rosler
Nguyen Wahed, New York | Yatreda
OFFICE IMPART, Berlin | Jan Robert Leegte
ROLF ART & TOMAS REDRADO ART*, Buenos Aires & Miami | Julieta Tarraubella
TAEX*, Londres | Kevin Abosch
*Première participation à Paris Photo
Programme — Tous les jours
11h (sauf le mercredi à 11h30)
Solienne lit Recognition Protocols
AUTOMATA | Stand F10
12h, 15h & 18h
Démonstration du scanner grand-format de Luke Shannon
Heft | Stand D28
14h
Présentation de l'artiste avec Cole Sternberg
Giga | Balcon d’Honneur
Événements
Mercredi, jeudi et vendredi à 19h
Solienne lit Recognition Protocols
AUTOMATA | Stand F10
Jeudi 13 nov. à 13h
Signature et discussion avec Johannes Raimann et Rebecca Wilton (DISTANZ)
Düsseldorf and Photography | Stand E30
Jeudi 13 nov. à 14h30
Rencontre avec l’artiste Johanna Reich
Anita Beckers | Stand F08
Jeudi 13 nov. à 17h
Signature avec Kevin Abosch
TAEX | Stand F09
Vendredi 14 nov. à 15h30
Signature avec Luke Shannon
Heft | Stand
Vendredi 14 nov. à 17h
Table ronde : Art, IA et Agency in Flux
Auditorium
Special Project – Giga (UNICEF-ITU) presents A Garden by Cole Sternberg
Cole Sternberg, A Garden – individual visual element, 2025, Courtesy of the artist & Giga
(UNICEF-ITU)
Lors de Paris Photo 2025, Giga, l’initiative conjointe de l’UNICEF et de l’Union Internationale des Télécommunications (UIT) visant à connecter chaque école à Internet, s’associe à l’artiste américain Cole Sternberg pour présenter A Garden, une œuvre d’une originalité rare, mêlant art, données et engagement social. Cette nouvelle installation, dévoilée en avant-première mondiale, métamorphose les informations en temps réel issues de la base de données mondiale développée par Giga et cartographiant les écoles, en œuvres d’art génératives en continuel mouvement, chacune incarnant une école et sa communauté. Avec plus d’un million de compositions numériques uniques, élaborées à l’aide d’un algorithme sur mesure mêlant données de connexion à Internet, flore indigène et une archive de photographies botaniques du XIXe siècle, A Garden bénéficiera d’une visibilité exceptionnelle au cœur du salon. Cette expérience inédite prendra vie sur le Balcon d’Honneur du Grand Palais. Présentée pour la première fois au public sur un espace monumental de 3.5 x 4 mètres, l’installation bénéficiera ainsi d’une visibilité exceptionnelle et, grâce au grand nombre d'écoles cartographiées par Giga, pourrait devenir l'une des plus grandes œuvres génératives jamais réalisées - une illustration concrète de la connexion et de tout ce qu'elle rend possible.
En inscrivant la fracture numérique dans le cadre culturel de Paris Photo 2025, cette collaboration met en lumière à la fois l’urgence et l’humanité de la question d’un accès universel à Internet. Au-delà de la simple visualisation des écoles encore hors ligne, A Garden célèbre celles qui sont connectées à Internet, offrant visibilité et fierté à des communautés souvent marginalisées dans les forums de discussion au niveau mondial. Guidés par le pouvoir transformateur de l’art, Giga et Sternberg invitent le public à réfléchir sur ce que signifie la connectivité au XXIe siècle et à envisager un monde où chaque enfant, chaque jeune, pourrait bénéficier d'informations essentielles et des multiples opportunités qu'offre l'accès au numérique, ainsi que de la liberté de choisir son avenir.
Pour en savoir plus sur Giga, rendez-vous : https://giga.global
Commissaire – Nina Roehrs
Photo by Michael Harald Dellefant
Dr. Nina Roehrs est une spécialiste reconnue de l’art à l’ère digitale. Elle accompagne le secteur culturel dans le développement de programmations et de projets digitaux. Après des études en économie d’entreprise à Saint-Gall et à St Andrews, elle a travaillé pendant quatorze ans chez UBS avant de fonder Roehrs & Boetsch en 2016.
D’abord galerie durant cinq ans, puis structure hybride de conseil, Roehrs & Boetsch explore l’impact de la digitalisation sur l’art et la société. Le projet s’attache notamment à concevoir et à expérimenter de nouvelles formes de présentation lorsque les méthodes traditionnelles atteignent leurs limites, en intégrant des technologies comme la réalité augmentée, la réalité virtuelle, les applications, les réseaux, les sites web, l’intelligence artificielle ou encore la blockchain.
En 2022/2023, Nina Roehrs a assuré le commissariat de l’exposition DYOR à la Kunsthalle Zürich – l’une des premières expositions institutionnelles d’envergure consacrées à la blockchain et aux NFT. Depuis 2023, elle développe et programme du Secteur Digital de Paris Photo, dédié à la photographie et à l’image à l’ère digitale. Pour Giga / UNICEF, elle a organisé et conçu la vente aux enchères Creating Connections, présentée en janvier 2024 sur la plateforme Christie’s 3.0. Depuis octobre 2024, elle est également responsable du commissariat de la collection d’art digital et des initiatives associées de l’Arab Bank Switzerland.
3 questions à la commissaire
Depuis sa création il y a trois ans, le Secteur Digital reflète la présence croissante de la numérisation et de l’IA dans nos vies. Pourquoi est-il important de créer des ponts entre les voix émergentes et les figures historiques ?
Créer des ponts entre les générations est essentiel, car l’histoire de l’art digital ne peut être dissociée de celle de la photographie. Dès ses débuts, la photographie est un médium qui s’est constamment redéfini à travers l’innovation technologique – des procédés chimiques à l’imagerie électronique, des scanners aux premières images manipulées par ordinateur. En ce sens, l’art digital ne vient pas de l’extérieur, mais émerge de questions déjà inhérentes à la pratique photographique : des interrogations sur l’indexicalité, l’authenticité, la reproductibilité et la nature construite de l’image.
En mettant en dialogue des figures historiques avec des artistes émergents, le Secteur Digital rend visibles ces continuités. Il nous rappelle que chaque évolution technologique – que ce soit l’introduction de la couleur, du pixel numérique, ou aujourd’hui de l’IA – redéfinit ce que nous entendons par « photographie ». Aujourd’hui, à l’ère des algorithmes, des réseaux et de la vision machine, la photographie n’est plus seulement une trace figée de la réalité, mais fait partie d’une écologie plus vaste d’images qui circulent, mutent et interagissent sur différentes plateformes.
Créer des conversations intergénérationnelles montre comment les artistes ont longtemps anticipé ces transformations, et comment de nouvelles voix continuent de remettre en question notre perception de ce que la photographie peut être. Ainsi, le Secteur Digital ne présente pas seulement des œuvres nouvelles – il réfléchit également au rôle évolutif de l’image à l’ère digitale.
Quelles sont les idées clés derrière la sélection de cette année, et pourriez-vous mettre en avant trois œuvres qui les illustrent le mieux ?
Le Secteur Digital 2025 réunit une large diversité d’artistes et de pratiques qui reflètent le champ élargi de la photographie à l’ère digitale. Conçu comme un pont entre l’histoire de la photographie et l’avenir de l’image, il met en lumière la manière dont les pratiques digitales étendent le médium au-delà de ses frontières traditionnelles et façonnent une écologie d’images en constante évolution. Trois œuvres illustrent ces idées de manières très différentes : Julieta Tarraubella avec ses installations hybrides entre les genres, Kevin Abosch par son exploration de l’image synthétique, et Luke Shannon avec ses recherches au scanner sur le temps et l’identité.
La série THE SECRET LIFE OF FLOWERS de Julieta Tarraubella se déploie comme une installation audiovisuelle prenant la forme d’un « jardin-cyborg ». Grâce à des écrans en mosaïque en time-lapse, le cycle de vie des fleurs – de l’éclosion à la décomposition – devient un environnement sculptural où la technologie et la nature sont inextricablement liées. L’œuvre met en scène la métamorphose à la fois comme image et comme objet, transformant une évolution organique en une présence artificielle mais poétique. En élargissant notre perception du rythme et de la durée, elle remet en question la linéarité du temps tout en réfléchissant à la manière dont le digital redéfinit notre compréhension de la croissance, de la beauté et de la mortalité. Cette installation illustre parfaitement comment l’art à l’ère digitale traverse l’image animée, la sculpture et l’environnement immersif.
Julieta Tarraubella, #6 Lirios en el día y la noche [Lilums in day and night], 2025 – Courtesy of artist, ROLF ART & TOMAS REDRADO ART
Alors que Tarraubella transforme des processus organiques en environnements immersifs digitaux, Kevin Abosch aborde la photographie au seuil du monde synthétique.
Sa série ETHICAL WORK affirme la photographie comme un champ d’exploration – un champ qui inclut désormais le synthétique (comme les images générées par IA) aussi délibérément que l’analogique ou le digital. Composée de photographies synthétiques et de vidéos génératives créées avec des modèles de diffusion, la série reste néanmoins profondément ancrée dans la longue pratique photographique d’Abosch : des milliers de ses propres images constituent le corpus d'entraînement du modèle. Plutôt que de rompre avec la photographie, ces œuvres positionnent l’image synthétique comme une continuation de son évolution – des photographies fabriquées autrement, mais guidées par les mêmes engagements artistiques et éthiques. En confrontant les questions irrésolues d’auteur·e, de fabrication et de croyance une fois le lien à la réalité rompu, elles réaffirment la pertinence actuelle de la photographie et poussent le public à repenser ce qui définit aujourd’hui une image photographique.
Si Abosch déplace la discussion vers l’intelligence artificielle et l’image synthétique, Luke Shannon réinvente un dispositif fondamental de documentation pour interroger le temps, la perception et l’identité.
Sa série REPLACEMENT CHARACTER puise dans les trajectoires à la fois historiques et contemporaines de la photographie. À l’instar du photogramme ou des premières études du mouvement, elle relie l’image photographique à la présence corporelle et au passage du temps. Grâce à un traceur spécialement conçu qui déplace un scanner à plat sur une surface de la taille d’un lit, Shannon produit de grandes impressions où des corps pressés contre le verre apparaissent à la fois hyperréalistes et distanciés, suspendus entre le temps scientifique et la durée subjective. Au cœur de cette pratique se trouve une paradoxale « surveillance du soi » : un processus qui enregistre avec une fidélité parfaite mais élimine tout contexte, créant des images à la fois franches et distantes, intimes et impersonnelles. À Paris Photo, le scanner lui-même sera présenté sur le stand, et les visiteurs pourront commander de nouvelles œuvres en collaboration avec l’artiste – faisant ainsi de la construction de l’identité une expérience vécue. Shannon élargit ainsi le vocabulaire photographique tout en le plaçant en dialogue avec son histoire et le public d’aujourd’hui.
Kevin Abosch, UPGRADE 01, 2024 – Courtesy of the artist & TAEX
Luke Shannon, Friday, August 22, 2025 at 5:19 PM, 2025 – Courtesy of the artist & Heft
Le Secteur Digital explore la photographie et l’image à l’ère digitale, en reliant tradition et expérimentation – le voyez-vous comme un laboratoire d’idées pour les pratiques futures ?
Le Secteur Digital, créé en 2023, a été conçu comme un espace d’innovation au sein de la foire et comme un pont entre la tradition et les pratiques de demain. Les pratiques digitales occupent encore une place marginale dans le monde de l’art traditionnel, bien que les technologies digitales façonnent tous les aspects de notre quotidien. En créant ce secteur, Paris Photo est devenue la première grande foire d’art européenne à consacrer une plateforme dédiée aux artistes, pratiques et acteurs culturels (établis et émergents) qui façonnent l’art à l’ère digitale – un geste qui marque un tournant important : il reconnaît que les formes digitales de création d’image ne sont pas périphériques, mais bien au cœur du présent et de l’avenir de la photographie.
Dans le même temps, les pratiques digitales élargissent la définition même de la photographie. En naviguant fluidement entre genres et supports – de l’image animée à l’installation, du travail algorithmique aux formats basés sur la blockchain – elles ouvrent le champ à un éventail plus large d’artistes et d’exposants. Cette perspective élargie permet aussi d’accroître l’accessibilité pour les collectionneurs et les publics, créant des connexions qui vont au-delà du canon photographique traditionnel.
Le secteur répond aussi aux évolutions structurelles du marché de l’art. Le modèle classique de galerie est soumis à une pression croissante, tandis que de nouvelles approches – plateformes en ligne curatorialisées, modèles hybrides – prennent de l’importance. En leur donnant accès à la foire, le Secteur Digital ouvre un espace pour tester des stratégies combinées de présentation et de diffusion. Cela s’étend également aux publics : le secteur attire de nouveaux publics et touche des collectionneurs natifs du digital qui ne s’engageraient peut-être pas avec les formats traditionnels de foires.
L’art a souvent été à l’avant-garde de l’expérimentation avec les nouvelles technologies – qu’il s’agisse de l’intelligence artificielle, de nouveaux procédés de création d’image, ou de la blockchain, où l’art a souvent servi de cas d’usage concret. En ce sens, le Secteur Digital ne fait pas que présenter des œuvres : il offre aussi un cadre critique dans lequel ces technologies émergentes peuvent être analysées, adaptées et contextualisées à travers la pratique artistique.
