Our Dollhouse

Je photographie ma sœur cadette Masantu depuis plus de dix ans. J’ai commencé à prendre ce travail plus au sérieux quand elle m’a exprimé sa déception de ne pas avoir de photos d’elle-même quand elle était bébé, à partir du moment où notre famille l’a adoptée. Nos projets photographiques peuvent être considérés comme de la photothérapie, car l’acte de photographier aide à renforcer sa confiance en elle, à démêler son identité de jeune fille noire dans notre famille germano-américaine et à lutter contre toutes les insécurités qu’elle, comme beaucoup d’autres adolescents, peut avoir sur son apparence. Cette série traite en particulier des réactions racistes négatives et déplacées que mes parents ont reçu de la part de notre famille éloignée en Allemagne, lorsque Masantu a été adoptée. Elle traite également du besoin que ressent ma soeur de garder en mémoire le peu de connaissances qu’elle a sur sa famille biologique.

Ici, elle se fond dans une maison de poupée qui a d’abord été construite par nos arrière-arrière-grands-parents, continuée par nos grands-parents, et terminée par notre père. Masantu et moi avons meublé la maison de poupée avec des objets qui ont été transmis de génération en génération, y compris une horloge faite à la main par mon arrière-grand-mère. Cet acte symbolise la légitimité de son envie de faire partie de la mémoire générationnelle de ma famille, malgré les objections éventuelles de certains. En réalité, mon arrière-grand-mère, qui n’a jamais eu la chance de rencontrer ma sœur, a également adopté un  orphelin pendant la Seconde Guerre mondiale.

La façon dont ma sœur interagit avec la maison de poupée reproduit un sentiment d'exclusion et de rejet. Comme par exemple, lorsque ma mère et moi discutons en Schwäbisch, le dialecte allemand que nous parlons autour d’elle. Ce travail semblait important à faire parce que ma relation avec ma sœur est souvent remise en question, essentiellement  par des inconnus en public, qui essaient de comprendre notre lien. La photographie me permet d’exprimer la responsabilité que je ressens de soutenir émotionnellement Masantu, à travers tous les défis auxquels elle pourrait être confrontée à la suite de son enfance dans une famille blanche, d’autant plus que les États-Unis continuent d’être divisés autour des questions raciales. Ce travail trouvera une résonance particulière chez les personnes qui se sont déjà senties rejetées bien qu’étant à leur place. A l'avenir, je pense que les questions raciales seront moins mises en avant qu’elles ne le sont maintenant, étant donné que les liens comme celui que j'ai avec ma soeur aujourd'hui deviennent de plus en plus courant.

FRANCESCA HUMMLER

Francesca Hummler est une photographe basée à San Diego, en Californie. Elle a obtenu son baccalauréat en Arts Visuels à l’Université de Californie à San Diego en 2019. Elle est actuellement en train de passer un Master en Photographie au Royal College of Art de Londres, en Angleterre.

Intéressée par les questions d’identité, Francesca puise dans ses expériences personnelles pour faire de la photothérapie à travers le portrait. Elle est convaincue que le fait de prendre des photos est un acte thérapeutique et que la caméra révèle ce que nous ne verrions pas autrement. Les portraits de Francesca explorent ainsi l’intimité et le traumatisme de n'appartenir à aucun groupe. 

Son travail a été exposé au Irvine Fine Arts Center, à l’Art Hub Studios et au Museum of Contemporary Art de San Diego.