Everything goes dark a little further down

C’est par l’image que la monstruosité est créée. Des monstres de fiction, aux freak shows ou à l’hystérie du XIXè, la fabrication d’images joue un rôle primordial. Pour définir l’hystérie on érige en preuve des images mises en scène, qui ne viennent pas illustrer un concept existant mais qui le créent avec elles. Par hypnose, on déclenche des crises sur commande, pour le spectacle. Dans les freak shows, on invente des histoires incroyables, on retouche les images, on ajoute des poils, on fait poser les personnes de petite taille sur des chaises immenses et les géants sur des chaises minuscules. Il faut que ce soit spectaculaire. Sous les regards curieux, l’anormalité est exhibée et renforce la norme.

Dans ce projet, je travaille sur l’idée du monstre banal. Je veux révéler une monstruosité qui se cache en chacun de nous, l’embrasser plutôt que de la rejeter. En m’inspirant de l’iconographie scientifique, médicale ou anatomique des beaux arts, je tente de déconstruire et de reconstruire les représentations normatives du corps. À travers une recherche expérimentale pour dépasser mon corps, jusqu’à m’en débarrasser, je cherche à atteindre par l’image une dégradation corporelle, jusqu’à l’informe. Pour cela, j’utilise l’auto-représentation comme moyen d’action sur mon propre corps. Je tente de le traiter comme une matière modulable, et par sa fragmentation et son morcellement, de reconstruire l’image d’un corps nouveau. Dans Le corps redressé, Georges Vigarello utilise la métaphore de la glaise pour parler du corps et la manière dont la main de l’adulte vient modeler l’enfant et lui imposer ses limites sociales et psychologiques. Paul B. Preciado parle quand à lui du corps trans comme d’un « espace à construire, à réinventer », mais peut-être faut-il étendre ce constat à tous les corps, ou du moins à toutes les images de corps ? Jusqu’où un corps est-il corps, et comment peut-il se libérer des. normes qui l’étouffent ? Ce travail, dans une dimension libératoire, tente de brouiller les limites entre le normal et l’anormal.

MATTHIEU CROIZIER

Né en 1994 à Genève. Il a passé un CFC de photographe au CEPV (Centre d’enseignement professionnel de Vevey) puis est entré à l’ECAL (Ecole cantonale d’art de Lausanne) où il termine actuellement son Bachelor.