ELLES X PARIS PHOTO - PUSHA PETROV 

JEZCA GALLERY 

“Je n’ai pas eu la volonté d’évoquer une contemplation féministe, mais plutôt humaine, universelle.”

Pišćir, 2020 © Pusha Petrov

Comment en êtes-vous venue à la photographie ? Vous définissez-vous comme photographe ? 

Je me sens plus à l’aise avec la notion d’artiste photographe. Diplômée en arts plastiques, mon intérêt pour la photographie m’a permis d’examiner l’univers autour de moi. J’ai démarré en posant un regard frontal sur les objets qui nous environnent afin d’accentuer leur lien, souvent inaperçu, avec notre intimité. J’ai construit une identité personnelle, à laquelle j’ai accolé une lecture sociologique pouvant donner vie à de nouvelles interprétations.

À présent, je m’intéresse aux gestes et aux espaces intimes des différentes communautés sociales ou ethniques – souvent les deux. Je cherche à construire un dialogue, une continuité, en découvrant des micro-mondes. Ces derniers ont leurs propres codes de fonctionnement – la plupart non écrits.

Quels sont vos engagements dans votre pratique photographique ? 

Mon engagement ? Rester fidèle à moi-même, à mon univers, sans rentrer dans les clichés usités. J’aime observer et questionner le monde qui m’entoure, qui se confronte à la dualité et aux contradictions de l’homme moderne – sa quête de singularité et son besoin d’appartenance notamment.

Le challenge est de trouver le bon angle, la bonne distance sur des sujets que je décide d’aborder dans mon parcours.

Est-il légitime de parler d’un regard de femme dans la photographie ? Vous sentez-vous concernée ? 

En tant que femme j’ai développé une manière de voir et d’observer. Cela dit, dans mes recherches, je n’ai pas eu la volonté d’évoquer une contemplation féministe, mais plutôt humaine, universelle.

Si j’explore des sujets qui font partie d’un univers féminin, ce que je propose reste avant tout un regard. Il peut être intéressant ou non.

Votre statut de femme a-t-il, ou a-t-il eu, une influence sur votre statut d’artiste ? 

Être une femme modèle ma vision du monde. Dans certains de mes projets, j’installe une dimension intimiste, et je propose une lecture identitaire contemporaine autour de la notion de corps ou d’habitat. Mais je reste persuadée que mon statut d’artiste dépend davantage de mes intérêts créatifs que de mon statut de femme.

Vivez-vous de votre art ? 

Je me dis toujours que si j’étais américaine, cela serait plus simple. Je saurais ainsi “me vendre” . Je travaille sur ce point.

À présent, oui, je vis de mon art. Mais il n’y a pas si longtemps encore, je vivais comme une étudiante.

Enfin, j’attends encore pour m’acheter un billet d’avion pour Rio de Janeiro. Je dois encore payer mes impôts et rembourser mon prêt.

Quels sont les auteur(e)s qui vous inspirent ? Parmi eux/elles, y a-t-il des femmes photographes ? 

Je trouve mon inspiration dans toutes formes de création.

Je trouve particulièrement séduisantes les sculptures architecturales et immersives de Do-Ho Suh, les espaces labyrinthiques de Chiharu Shiota ou les objets textiles de Sheila Hicks. Je suis aussi attirée par la façon dont Irma Boom arrive à réinventer les livres. J’admire l’univers fou créé par David LaChapelle, ou encore le travail de mise en scène d’Hassan Hajjaj. Je suis aussi attirée par la frontalité d’Andreas Gursky et son regard qu’il porte sur notre monde. Je trouve beaucoup d’inspiration dans la manière qu’a Hans Eijkelboom de photographier les gens dans l’espace public dans  son ouvrage Paris-New York-Shanghai. J’ai suivi avec enthousiasme le travail réalisé par Valérie Belin autour des bodybuilders. L’absence et la présence de l’individu dans ses photos m’ont marqué. Récemment, j’ai découvert l’univers de Sally Man, et je trouve fascinante sa démarche intimiste autour de la famille et de l’habitat.

Pusha Petrov © Georgiana Bălăceanu

BIO


Après une licence d’arts plastiques – peinture à l’université de Timisoara, la photographe roumaine Pusha Petrov (1984) a poursuivi ses études à l’École supérieure d’Art de Lorraine, à Metz. Fascinée par la photographie et l’installation, l’artiste construit des séries d’images centrées sur des objets de la vie quotidienne, qu’elle représente sous un angle singulier. Sélectionnée en 2012 pour une résidence organisée par l’Institut culturel roumain de Paris, elle y réalise des œuvres portant sur la matérialisation des croyances dans l’espace privé. Exposée en France (Belfort, Metz, Nancy, Paris…) et en Roumanie, la photographe continue de développer son travail au sein de résidences et de stages (résidence Cité internationale des arts, à Paris, en 2018-2019, résidence Kunsthalle Mulhouse, dans le cadre du projet Sezon France Roumanie, en 2019).

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