ELLES X PARIS PHOTO - NICÈNE KOSSENTINI 

GALERIE CLAIRE GASTAUD 

“Je suis une femme, et j’appartiens à une société conservatrice.”

Comment en êtes-vous venue à la photographie ? Vous définissez-vous comme photographe ? 

J’ai découvert la photographie lors d’un atelier au cours de mes études universitaires en architecture d’intérieur. Cela m’a amenée à suivre une formation en photographie. Je ne me définis pas comme photographe, car la photographie est un des médias que j’utilise dans ma pratique artistique. Mais, étant la première forme artistique que j’ai expérimentée et pratiquée, la photographie, par son processus et son essence, influence ma démarche artistique dans toutes ses formes.

Quels sont vos engagements dans votre pratique photographique ? 

Dans mon travail, je questionne la temporalité du souvenir et de la mémoire – à travers l’image et le texte notamment. Dans notre époque de grandes mutations, la notion de perte est bien ressentie. Ce qui est en train de disparaître s’inscrit dans la durée – une durée dans le présent. Et il y a ce mouvement du temps que je cherche à représenter et à capter par l’image, afin d’exprimer ce qui est en train de disparaître et de devenir absent.

Est-il légitime de parler d’un regard de femme dans la photographie ? Vous sentez-vous concernée ? 

Les regards sont multiples et dépendent des différences de chaque photographe. Faire une lecture de la photographie en considérant le regard est une des pistes qu’un critique d’art peut explorer pour penser la photographie.

Votre statut de femme a-t-il, ou a-t-il eu, une influence sur votre statut d’artiste ? 

Je crois que oui. Je suis une femme, et j’appartiens à une société conservatrice. Cela m’a menée, malgré moi, et ce, depuis le début de ma carrière, dans le combat de la résistance.

Je ne me considère pas comme une militante ou une féministe, mais je suis consciente que les choses sont un peu différentes quand on est une femme. Même si tout parait juste et équitable, je me retrouve parfois dans des situations qui me rappellent que mes droits ne sont pas encore acquis.

Vivez-vous de votre art ? 

Je vis essentiellement de mon art, mais en parallèle de mon travail d’artiste, je donne des cours dans une école de cinéma. Ce revenu supplémentaire me permet de ne pas me soucier d’un apport matériel régulier par la vente de mes œuvres, et de respecter mon rythme de création pouvant parfois être assez long.

Quels sont les auteur(e)s qui vous inspirent ? Parmi eux/elles, y a-t-il des femmes photographes ?

Les premiers artistes qui m’ont inspirée et qui m’ont révélé ma passion pour l’art sont l’architecte japonais Tadao Ando et le compositeur américain fondateur de la musique minimaliste Terry Riley. En photographie, les auteurs qui m’inspirent le plus sont Sophie Calle, Christian Boltanski et Roman Opalka.

Niecène Kossentini

BIO


Née à Tunis en 1976, Nicène Kossentini a étudié à l’Académie des beaux-arts de Tunis, à l’université Marc Bloch de Strasbourg et à la Sorbonne. Elle vit et travaille aujourd’hui entre Tunis et Paris. Ses vidéos, photographies, sculptures, peintures et dessins interrogent l’actualité du monde. Quelle que soit sa démarche, elle ne cesse de rechercher l’esthétique, la beauté et la poésie pour affronter la violence. Les espaces qu’elle capture se lisent comme des métaphores, abordant les notions de présence, d’absence, d’oubli et de souvenir. Au cours de sa carrière, l’artiste a participé à de nombreuses expositions collectives à l’international (Marrakech Art Fair, Institut du monde arabe, à Paris, la biennale africaine de photographie à Bamako…) et a présenté quatre solo shows, à Tunis (2009 et 2010), Londres (2011) et Madrid (2012).