ELLES X PARIS PHOTO - OUKA LEELE

ROCIOSANTACRUZ

“Pour moi tout travail est un autoportrait.”

Comment en êtes-vous venue à la photographie ? Vous définissez-vous comme photographe ? 

J’ai commencé à m’y intéresser au moment où j’ai réalisé que la photographie était un outil essentiel, faisant partie de ma formation d’artiste. Ce que j’ignorais, c’était combien de temps j’allais passer à pratiquer cette discipline, et que j’allais l’utiliser comme un véritable outil artistique !

Je me définis, en général, comme une artiste. Et, bien qu’on puisse penser l’inverse, j’ai passé plus de temps à peindre qu’à photographier durant mes heures de travail.

Quels sont vos engagements dans votre pratique photographique ?

Mon travail est inspiré par ma vie. C’est ma philosophie, représentée en images. J’illustre des concepts comme l’amour – dans la photo El Beso par exemple – ou bien la mort dans Madrid, une image dans laquelle une femme se tient devant un décor, en souriant, sortant une pièce de steak d’une boîte.

Est-il légitime de parler d’un regard de femme dans la photographie ? Vous sentez-vous concernée ?

Je ne m’intéresse pas aux enjeux liés à la notion de genre, dans mes créations artistiques. Parfois, on peut penser qu’une œuvre a été réalisée par un homme alors qu’il s’agit d’une femme, et inversement. Les artistes qui se mettent eux-mêmes en scène peuvent être intéressés par cette vision… En revanche, pour moi, tout travail est un autoportrait.

Votre statut de femme a-t-il, ou a-t-il eu, une influence sur votre statut d’artiste ? 

Je ne crois pas. Au début de ma carrière, personne ne savait qui était Ouka Leele, qui se cachait derrière ce nom. Depuis les célébrations du 8 mai, et le développement de la notion de “discrimination positive”, tout a empiré. Mon combat et mon intention ont toujours été de participer autant à la vie culturelle en tant qu’homme que femme.

Vivez-vous de votre art ? 

Complètement et exclusivement – pour le meilleur ou pour le pire, parfois. Mais j’ai toujours été capable de payer mes factures et d’avoir à manger tous les jours, bien qu’au début, lorsque j’habitais à Barcelone, j’ai dû aller chercher quelques repas gratuits à Hare Krishna [NDLR, une association internationale distribuant gratuitement de la nourriture végétarienne].

Quels sont les auteur(e)s qui vous inspirent ? Parmi eux/elles, y a-t-il des femmes photographes ?

Je pense à plusieurs femmes artistes et peintres : Frida Kahlo, Artemisia Gentileschi, Georgia O’Keeffe…

En photographie, je suis inspirée par Man Ray.

En peinture, par William Blake, Odilon Redon, Leonardo, Corot, Velázquez, Emil Nolde… Oh et David Hockney.

Ouka Leele

BIO


Figure de la Movida madrilène, Ouka Leele (1957) compose, dès la révolution culturelle espagnole initiée à la mort de Franco, une œuvre colorée, surréaliste et ludique. Mêlant peinture et photographie, elle construit des images hybrides qui interrogent le réel et les conventions de la figuration. Avec humour, elle joue avec les notions d’amour, de mort ou encore de réalité. Exposée partout dans le monde (Londres, Tokyo, Sao Paulo, New York, Arles…), l’artiste a reçu de nombreux prix. Parmi eux, le Grand Prix national de la photographie du ministère de la Culture espagnol et le Grand Prix de la communauté urbaine de Madrid (2005). Ses œuvres sont présentes dans les collections de la Fondation Cartier à Paris, du musée Reina Sofia à Madrid, ou encore au Centre andalou de la photographie. Ouka Leele est également membre de l’Agence VU.