ELLES X PARIS PHOTO - DIMAKATSO MATHOPA 

AFRONOVA GALLERY

“Ma pratique consiste à représenter une femme noire, défiant le regard colonial.”

Cyanotype, procédé Van Dyke, sérigraphie… Qu’apportent ces techniques d’impression à votre travail ?

J’ai commencé à travailler avec les sérigraphies et le procédé Van Dyke avant de me tourner vers le cyanotype car je voulais intégrer diverses techniques d’impression photographiques dans mon travail. Si j’ai choisi le cyanotype en particulier, c’est parce que cette technique me limitait moins que les autres. Elle me permet de reproduire fidèlement ma vision, et d’atteindre la prestance visuelle que ma pratique requiert.

Vous transformez les photographies à l’aide de cette technique, considérez-vous cette approche comme une réappropriation ?

J’utilise la photographie comme un moyen d’expression pour mes cyanotypes. Il est très important pour moi de créer mes propres compositions, mon propre matériau de base. Et le 8e art me permet de documenter, de maîtriser ma composition. Les clichés numériques sont manipulés par le biais du processus d’impression du cyanotype, ce qui me permet de créer cette dimension « archaïque » sans limitation. Je suppose que certains pourraient voir cela comme de la réappropriation…

Votre œuvre traite de la représentation des femmes noires dans la photographie. En quoi cette représentation diffère-t-elle de celle des autres médiums ?

Elle diffère parce que mon œuvre traite de la représentation des femmes noires par le prisme du regard colonial dans le temps et l’espace.

Pouvez-vous nous en dire plus sur ce regard colonial ?

Sa prédominance est perceptible dans le besoin de créer des nouvelles représentations du corps de la femme noire au sein de la photographie. L’objectif est de déconstruire et d’interroger ce regard et ses structures. De comprendre comment il a influencé la manière dont les femmes noires sont perçues, partout dans le monde. C’est pourquoi ma pratique consiste à représenter une femme noire, défiant le regard colonial, et utilisant le médium photographique.

Croyez-vous au « regard de femme » ?

Oui, j’y crois. Notamment au pouvoir qu’il détient et à sa faculté à orienter l’histoire féminine.

En tant que femme noire, comment votre genre et votre ethnie ont-ils influencé votre carrière ?

Ils l’ont profondément orientée. J’ai toujours été très consciente de mon environnement, de la manière dont les hommes me voient, dont les autres ethnies me perçoivent. À travers ces rencontres, j’ai réalisé qu’il me fallait m’élever, et révéler une autre dimension de moi, en tant qu’artiste et femme noire.

Quels auteurs vous ont inspirée ?

Je dirais que la personne qui m’a le plus inspirée est ma mère, aujourd’hui décédée. Ce n’est que maintenant que je comprends clairement son rôle, et à quel point elle a influencé ma vision, ma sagesse.

À elle, s’ajoutent Bell Hooks, Susan Sontag, Okwui Enwezor, Sizwe Khoza, Andile Bhala, Neo Diseko, Richard ‘Specs’ Ndimande, Lindokuhle Zwane, Lebogang Tlhako, Lebohang Kganye, Ayana V Jackson, Wangechi Mutu, Deborah Bell, la liste est sans fin…

Dimakatso Mathopa

BIO


Née en 1995 à Mpumalanga, Dimakatso Mathopa vit et travaille actuellement à Johannesburg, en Afrique du Sud. Intriguée par les techniques d’impression photographiques, l’artiste utilise le cyanotype pour transformer ses propres images. Une esthétique « archaïque » qui lui permet d’interroger l’importance du regard colonial, et la représentation des femmes noires dans l’art et l’histoire. Se mettant elle-même en scène dans un « espace colonial », la photographe joue avec les époques et invite ses paires à se réapproprier leur propre récit. Elle poursuit actuellement son œuvre engagée au sein d’une résidence à la Bag Factory, à Johannesburg.